Les génies, au départ des traditions religieuses orientales

Selon le Dictionnaire infernal (p.251, édition 1844), la tradition des anges parvenue altérée chez les païens en a fait des génies. Chacun avait son génie. Un magicien d’Egypte avertit Marc-Antoine que son génie était vaincu par celui d’Octave ; et Antoine intimidé se retira vers Cléopâtre. Les Borborites, secte gnostique des premiers siècles dont le nom fut sans doute attribué par leurs détracteurs, enseignaient que Dieu ne peut être l’auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil, des étoiles et des planètes, il a créé une multitude innombrable de génies, qui ont été, qui sont et seront toujours bons et bienfaisants ; qu’il créa l’homme indifféremment avec tous les autres animaux, et que, l’homme n’avait que des pattes comme les chiens ; que la paix et la concorde régnèrent sur la terre pendant plusieurs siècles, et qu’il ne s’y commettait aucun désordre ; que malheureusement un génie prit l’espèce humaine en affection, lui donna des mains, et que voilà l’origine et l’époque du mal.

L’homme alors se procura des forces artificielles, se fit des armes, attaqua les autres animaux , fit des ouvrages surprenants, et l’adresse de ses mains le rendit orgueilleux ; l’orgueil lui inspira le désir de la propriété, et de posséder certaines choses à l’exclusion des autres ; les querelles et les guerres commencèrent ; la victoire fit des tyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. Il est vrai, ajoutent les Borborites, que si l’homme n’avait jamais eu que des pattes, il n’aurait point bâti des villes, ni des palais, ni des vaisseaux ; qu’il n’aurait pas couru les mers; qu’il n’aurait pas inventé l’écriture, ni composé des livres ; et qu’ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point étendues ; mais aussi il n’aurait éprouvé que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables à ceux d’une âme agitée par l’ambition, l’orgueil, l’avarice, par les inquiétudes et les soins pour élever une famille, et par la crainte de l’opprobre, du déshonneur, de la misère et des châtiments.

Aristote observe que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main ; mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux. Les Arabes ne croient pas qu’Adam ait été le premier être raisonnable à avoir habité la terre, mais seulement le père de tous les hommes actuellement existants. Ils pensent que la terre était peuplée, avant la création d’Adam, par des êtres d’une espèce supérieure à la nôtre ; que dans la composition de ces êtres , créés de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon.

Ces êtres , qui ont habité la terre pendant plusieurs milliers de siècles, sont les génies, qui ensuite furent renvoyés dans une région particulière, mais d’où il n’est pas impossible de les évoquer et de les voir paraître encore quelquefois, par la force des paroles magiques et des talismans. Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils : les Péris, ou génies bienfaisants, et les Clives, ou génies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appelés ginnes ou génies, est le premier comme le plus fameux de leurs rois.

Le Ginnistan est un pays de délices et de merveilles , où ils ont été relégués par Taymural, l’un des plus anciens rois de Perse. — Ce sont encore là des vestiges altérés de l’ancienne tradition. En Mésopotamie, les génies sont communément des créatures apotropaïques, c’est-à-dire des figures et représentations utilisées pour repousser le mal en l’espèce des mauvais génies, démons et autres mauvais esprits. Ces représentations étaient fréquemment placées près des portes et des fenêtres pour en écarter le mal.

On pense ici aux célèbres taureaux ailés, monumentaux gardiens des portes palatiales dont la fonction était autant de repousser le mal que de promouvoir la puissance et la richesse des rois dès l’entrée du palais. D’autres génies apparaissent sur les bas-reliefs de part et d’autre de l’arbre sacré sous la forme de thérianthropes. Ce sont usuellement les génies chargés de bénir les rois grâce à une action consistant à récolter le pollen ou le suc de l’arbre sacré au moyen d’une pomme de pin, la plonger dans une situle (sorte de seau) et à asperger les rois de ce liquide par le même geste effectué par les prêtres.

Mais les génies, traditionnellement, ne sont pas tous bienfaisants. De mauvais génies existent, lesquels comme on s’en doute agissent contre l’intérêt des hommes. Et ces génies, bons et mauvais, ne relèvent point, par définition, d’un caractère spirituel insaisissable car des hommes peuvent tout à fait incarner le bon ou le mauvais génie d’une autre personne. Ces anges ambivalents influent, par leurs conseils ou leur exemple, sur la vie d’une personne qui les tient en admiration ou dans une moindre mesure dont les conseils et/ou les exemples ont quelque poids psychologique.

Par extension acceptive, un génie est une personne dotée de sens presque surnaturels, d’un talent exceptionnel et extraordinaire dans une ou plusieurs disciplines étroitement liées ou non. Une être génial remarquable laisse son empreinte sur le monde et son entourage, même si ce n’est qu’à titre posthume. Incompris ou transparent, un génie démontre de grandes qualités intellectuelles, artistiques, créatives et inventives selon les définitions les plus basiques. Ce sont des esprits d’une qualité supérieure proprement étonnants par leur rayonnement et leur influence sur les autres.

Pour plus de publications sur le Proche-Orient ancien suivre : @LJAnthonyHalley (twitter).

Bibliographie :

– Dictionnaire infernal de Collin de Plancy (1844) p.251 à 252.

Glossaire | Orient cunéiforme (culture.gouv.fr)

génie — Wiktionnaire (wiktionary.org)

Laisser un commentaire